Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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22 février 2016

Plein de bonnes choses dans ce roman mais aussi pas mal de moins bonnes. Commençons par ce qui fâche : beaucoup de longueurs, un livre qui peine à démarrer, il faut attendre la page 130 pour qu'enfin une éclaircie parvienne au lecteur que je suis. Éclaircie qui ne veut pas dire que toute la lumière sera faite sur tous les points qu'aborde l'auteur. Ce qui m'amène à une autre réserve, c'est un roman foutraque qui démarre plein de pistes, les explore ou pas... et peut perdre son public en cours de route. En un mot, c'est parfois le bordel. Pour finir sur les notes moyennes, je dirais que l'écriture n'a rien de suffisamment exceptionnel pour retenir le lecteur. Il faut se faire violence pour tenir les premières pages et ne pas hésiter à sauter des passages longs qui n'apportent strictement rien au fond -ni à la forme- ; 330 pages qui auraient pu être très raisonnablement réduites et condensées sans nuire aux propos.

Malgré tout cela, et malgré mes envies de lâchement quitter le roman, je ne l'ai pas fait car il y a un ton et des situations qui m'ont retenu. D'abord les contextes : celui de la Yougoslavie des années 80 qui va bientôt exploser, Tito venant de mourir laissant place aux nationalismes exacerbés de certains, Milosevic en particulier. Dans ce pays, vivent des Albanais, dont Eminè et son futur mari avec des traditions fortes, dont celle qui concerne le rôle de la femme, très archaïque à nos yeux d'Occidentaux. Ce qui paraissait un beau mariage va vite tourner au cauchemar pour Eminè, devenue femme battue, brimée et aux ordres de son époux. On avance dans la vie du couple bientôt famille avec 5 enfants, notamment lorsqu'ils fuient la Yougoslavie en guerre pour se réfugier en Finlande. Ils y vivront le racisme au quotidien, la honte d'être à part "Nous étions devenus le genre de personnes qui se lient d'amitié avec les opprimés, avec ceux qu'on n'aime pas. Nous étions rejetés au même titre que les Tziganes, nous étions de ceux qui venaient de loin pour entrer dans ce pays, où les gens étaient si blancs qu'on les aurait cru faits de neige tassée. Moi, je nous considérais comme blancs, mais à leurs yeux, notre blanc, ce n'était pas la même chose." (p.193/194) Et pourtant l'espoir, ils l'avaient en arrivant en Finlande, comme le disait Bajram à Eminè : "Ils ont plus que ce dont ils ont besoin. Pourquoi ne voudraient-ils pas de nous ici ? Qu'est-ce qui pourrait bien leur manquer, qu'ils n'auraient pas déjà ?" (p.195)

L'autre partie est consacrée à Bekim qui peine à trouver son équilibre. Jeune homosexuel, sa vie affective est pauvre et son intégration pas très aisée dans ce pays qui n'est pas moins remonté contre les étrangers que dans les années 90 lorsque Bajram et Eminè sont arrivés. Il s'achète un boa constrictor, le laisse vivre dans son appartement en liberté, s'installe avec un ami qui le manipulera et l'utilisera. J'avoue n'avoir pas tout saisi de la vie de ce jeune homme, sans doute me manquait-il quelques codes. Un rien barré, il va devoir passer par quelques épreuves dont celle de la recherche des origines pour tenter de vivre enfin.

Malgré mes réserves, je reste sur une image plutôt positive de ce roman et de l'auteur qui gagnera à faire plus court, plus dense. Il est suffisamment décalé, loufoque pour écrire d'autres livres hors du commun. A suivre donc.

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22 février 2016

Makenzy Orcel étant haïtien, on pense bien sûr qu'il a situé son histoire dans son pays, à Port-au-Prince, dans un de ses bidonvilles, les tristement célèbres tontons macoutes dont il parle permettent de s'assurer du lieu. Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la forme : pas de majuscule, sauf au noms propres -eux-même des noms communs utilisés comme des noms de personnes, sauf Makenzy et Orcel-, une longue phrase ponctuée seulement par des virgules -et quelques points de suspension en seconde partie. Cette omniprésence de la virgule donne un rythme très particulier au texte, une rapidité évidente, mais aussi peu de temps morts, de respiration, ce qui parfois provoque des insuffisances respiratoires et des besoins d'arrêter sa lecture. Mais quel souffle ! Makenzy Orcel est comme un slameur ou un rappeur qui viendrait nous scander sa prose dans un rythme fou, et nous spectateurs, nous serions à la fois débordés, en manque de respiration et totalement fascinés. Son exercice est magistral, ainsi que le dit l'éditeur, son écriture itou.

Le contenu est dans la même veine, dur, violent avec peu d'espoir, et finalement très beau. Il y est beaucoup question d'extrême pauvreté, d'alcoolisme, de prostitution, de promiscuité favorisant l'inceste, les viols. Les femmes ne sont pas bien loties qui ont souvent des maris violents et alcooliques, qui dépensent le peu qu'ils gagnent à boire ou avec des prostituées. Elles subissent, comme Toi, du plus jeune âge jusqu'à la fin tout cela sans rien dire sous peine d'être frappées : "Toi pleurait toutes les larmes de son corps, c'était tout ce qu'elle était autorisée à faire, pleurer, se soumettre, sa condition de fille vendue par ses parents à un homme qu'elle n'avait rencontré que le jour même de ce sinistre marché ne lui permettait pas d'autres libertés qui de toutes façons n'existaient pas, enjointe de garder une distance raisonnable, comme si elle n'était qu'impureté et déveine, tout lui était interdit" (p.55). Les hommes ne vont guère mieux, ils cachent leur détresse et souvent leur jeunesse abominable dans ces excès : "il [Makenzy] avait déjà assez vu, assez vécu pour ne pas savoir qu'il était trop tard, qu'il n'y avait plus rien à faire, que l'alcool à appeler à la rescousse, encore un verre, et s'estompaient les horreurs de l'enfance, se cicatrisaient les blessures, les labyrinthes de cette ville, mieux valait être bourré, vraiment bourré, enveloppé d'un univers de coton, le monde était subitement d'une admirable beauté" (p.252)

Faire du beau, du très beau avec du laid du très laid, ce n'est pas donné à n'importe quel écrivain -certains dont je tairais les noms font aisément l'inverse- Makenzy Orcel m'avait déjà enchanté avec Les immortelles, son premier roman, L'ombre animale porte en lui la même puissance, la même poésie bien qu'il adopte un style totalement différent. La marque des grands. Assurément.

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22 février 2016

Bon, bon, bon, bon, bon... enfin, plutôt, mouais, mouais, mouais, mouais, mouais... Me voilà bien embêté, parce que je lis beaucoup de recensions très bonnes sur ce roman et qu'il m'a été conseillé. Oui, mais, je suis passé totalement à travers. A part quelques beaux passages (notamment ceux qui concernent Margrét et Oddur les grands-parents), je n'ai jamais réussi à trouver la porte d'entrée de ce roman. Les digressions, parenthèses et interventions de l'auteur sont oiseuses, énoncent des évidences sans vraiment y apporter de plus-value, qu'elle soit réflexive ou littéraire. Pis que cela, elles empêchent de bien suivre les histoires des héros, déjà pas simples à saisir du fait de l'écriture de l'auteur que j'ai trouvé assez désagréable -d'aucuns parleront ici de poésie, c'est sans doute cela, la poésie et moi avons des rapports compliqués, soit ça fonctionne parfaitement, soit ça casse tout de suite-, les différents narrateurs, les passages du "je" au "il" voire au "nous" sans vraiment de séparation claire. A dire vrai, dès le début, je sens que cet ouvrage ne m'emballera pas, et mon impression s'avère. Je ne comprends pas les citations en incise ou dans le texte, le style m'agace, c'est trop flou, je ne sais pas où veut et va en venir JK Stefansson, trop d'entrées, trop bavard, trop long. Une logorrhée insupportable pour moi. Je l'avoue ici, je fais ma confession -merci mon père-, je me suis arrêté bien avant la fin, je ne me sentais ni la force ni l'humeur de supporter cette inconsistance et cette incompréhension totale comme rarement il m'arrive de ressentir, pendant plus de 440 pages !

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22 février 2016

Cette nouvelle bande dessinée de Martin Veyron est l'adaptation d'une nouvelle de Léon Tolstoï, dans laquelle le héros se prénomme Pakhomm, écrite en 1886. C'est une histoire d'humains, de relations entre eux. La vie du village est plutôt paisible, les paysans s'entraident pour les gros travaux, notamment les moissons. Il n'est nul question de rapport de hiérarchie entre eux, chacun donne un peu de son temps pour aider son voisin et tout le monde vit en harmonie et se contente de ce qu'il a. Puis vient l'héritier qui n'entend pas laisser ses terres utilisées sans en tirer profit, puis la violence du contremaitre. Dès lors, rien ne sera plus comme avant. L'attrait du profit, d'une vie meilleure et de plus de bien, l'agrandissement de l'exploitation et donc l'embauche d'ouvriers agricoles... le cercle infernal du capitalisme et de nos sociétés occidentales. Très en avance sur son époque, Tolstoï décrit là ce qui adviendra de l'agriculture post-seconde guerre mondiale et plus globalement de la société de consommation.

Une belle histoire très bien mise en dessins pas Martin Veyron. Les paysages varient en fonction de la saison, en Sibérie, l'hiver rend tout blanc, mais les autres saisons sont plus jaunes (les blés), vertes (les champs) et bleues (le ciel). Les personnages sont nombreux et très reconnaissables, et si l'histoire n'est pas franchement drôle, certains facétieux font sourire par leurs réparties.

Un ouvrage bienvenu en ces temps d'individualisme forcené. Il prône l'entraide, les relations humaines plutôt que le repli sur soi, l'enrichissement et la hiérarchie sociale. Martin Veyron a le bon goût de ne pas trop appuyer le trait, de mettre un peu d'humour et le message passe ainsi de manière joyeuse et évidente. Un beau travail mis en couleurs par Charles Veyron. A lire et faire lire même aux enfants, à partir d'une dizaine d'années.

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22 février 2016

Une fois n'est pas coutume, mon résumé est un peu long, mais il y a tellement de personnages, d'histoires qui se mêlent, que je ne pouvais pas faire autrement. Et moi, qui n'apprécie pas plus que cela les romans avec beaucoup d'entrées, de personnages, parce que je me perds très vite, eh bien, je me suis régalé ! A tel point, que bien que petit mangeur, je me serais bien resservi une bonne louchée d'aventures montmartroises avec cette galerie inattendue, improbable, colorée et joyeuse.

Certes, le roman est léger, à peine crédible -voire pas du tout-, mais peu importe, l'important n'est pas là. Il est drôle, met en scène des personnages hors norme, caricaturaux et ce sont ces excès qui nous font rire ou sourire. On peut aussi y voir une satire (et non satyre comme j'ai failli l'écrire) du système social : l'accueil des immigrés, des pauvres qui se raréfie dans les villes au profit -et c'est le mot exact- de sociétés sans scrupule qui s'enrichissent donc. Paris doit se rénover et l'habitat social en pâtit. Le roman ne dénonce rien, il sert surtout à détendre les lecteurs, à passer un agréable moment, mais un constat de cette réalité, bien placé est une bonne idée.

Et la gentille chronique avance et un certain suspense naît : pourquoi et comment les différentes histoires avec ces différentes personnalités se rencontreront-elles ? Quels sont les liens entre elles ? Quel jeu joue Sandrine la jolie mais inflexible mère de famille et conseillère Pôle Emploi qui aurait tant aimé faire de la cuisine ?

Tout s'imbrique très bien et même si incohérences il peut y avoir, occultées sont-elles tant je suis séduit par le style résolument humoristique, par les protagonistes tous sympathiques -même certains des "méchants", je les plains plus que je ne les méprise-, par les aventures et mésaventures des uns et des autres, ...

Un roman choral qui se lit très vite un sourire aux lèvres du début à la fin. Que demander de plus ? Une visite de Montmartre ? Eh bien, vous l'avez avec en prime la Goutte d'Or et Barbès...