Temps de livres

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Créée en 2009, cette entreprise propose des interventions et des formations sur la bande dessinée et les littératures de l'imaginaire. Sur le blog, retrouvez notre actualité, ainsi que des chroniques et des rencontres d'auteurs.

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7 octobre 2011

Un attentat a eu lieu en Caroline du Nord. Selon les autorités, c'est Jeremiah Jones et ses disciples qui en sont les auteurs. Les deux enfants de Jeremiah sont incrédules face à cette accusation. Venu de nulle part, Christopher Kidd leur offre son aide. Pourchassé, lui aussi, il ne demande qu'une seule chose en retour : qu'on l'amène à Jeremiah Jones. Qui est Christopher ? Pourquoi est-il poursuivi ? Face aux révélations et au don qu'il possède, les trois adolescents se lancent à la recherche de Jeremiah Jones, l'une des personnes les plus recherchées par le FBI.

Avec Black Out, Andreas Eschbach poursuit le thème de l'influence de la technologie sur l'être humain. Aperçu avec Le dernier de son espèce, magnifié avec Panne sèche, l'auteur s'interroge sur la dépendance à la technologie. Construit sous forme de thriller, ce roman d'anticipation présente deux catégories de personnages. Jeremiah Jones n'est pas contre la technologie, mais contre sa dépendance ( la toxicomanie du téléphone portable). Vénéré par les uns, décrié par les autres, il n'hésite pas à recourir aux dérives du "tout technologique" (tout est accessible) pour arriver à ses fins. Les adversaires de Jeremiah font partie de la Cohérence. Elle est constituée d'individus qui ont été volontairement ou involontairement connectés entre eux via une interface. Ainsi, la personne n'est plus seule. Elle est connectée aux autres, peut tout échanger. Elle est upgradée. L'individu est fondu dans la masse. "La stratégie de la cohérence est d'intégrer d'abord l'entourage d'un personnalité, puis l'intéressé lui-même".


Si les deux camps mis en présence sont intéressants, le lecteur qui s'attendra à "un thriller angoissant" sera déçu. L'histoire se déroule en flash-back pour expliquer les personnages et la situation. Bien construite, les parties technologiques sont suffisamment vulgarisées pour que lecteur non-spécialiste s'y retrouve. Par son ambiance roman noir (poursuite, complot) d'un côté, anticipation (tout technologique, implant) de l'autre, on pense au cyberpunk. Le roman en est à mi-chemin. Black Out, par ses personnages et ses intrigues est un roman pour adolescents. Andreas Eschbach s'y était déjà essayé avec Copie parfaite et Un don presque mortel. Ici, le côté adolescent/aventure prend le pas sur le "thriller angoissant" attendu. Ce roman, première partie d'une série se lit agréablement. On pourra reprocher une enquête releguée très vite au second plan, a moins qu'elle ne revienne dans les prochains tomes. Quant à Christopher Kidd, le héros, il m'a fait penser aux personnages de D.A.R.Y.L, ou Vidéokid.

Premier tome d'une série, Black Out est bien mené. Entre roman noir et cyberpunk, l'auteur interroge le lecteur sur la technologie et ses dérives.

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7 octobre 2011

Divers visages de la résistance, divers contextes, un seul combat

Une imprimante clandestine qui fonctionne sous un cabaret, traverser Paris après le couvre-feu pour passer un message, exécuter un homme pour la première fois, être un allemand réfugié en France et arrêté par ses compatriotes, fabriquer des faux papiers, rejoindre le maquis, l'univers carcéral, filmer son pays occupé, se souvenir des bruits : autant d'actes de résistance pour vivre libre.

Vivre libre ou mourir, 9 récits de résistances permet de mettre en images les différents visages des combattants cachés. La télévision, le cinéma ont mis en exergue les combats armés, fantasmant la résistance, mais ce n'était pas que cela. Jean-Christophe Derrien met en avant des actes, pour certains simples, mais tout aussi risqué : filmer le pays occupé, livrer un message dont le contenant est inconnu, tuer un homme. Travaillant avec le musée national de la résistance, le scénariste a sélectionné 9 histoires. Célèbres ou passées sous silences, ces actions ont été faites par des hommes et des femmes, inconnus ou célébrités de l'époque. Ces 9 récits, courts, se focalisent chacun sur un acte. Chaque histoire est véridique, scénarisée un minimum pour que l'adaptation en bandes dessinées soit réaliste. Chaque dessinateur ne fait "qu'illustrer" le propos, lui donnant une dimension graphique marquante. Pour remettre les récits dans leurs contextes, ils commencent tous par un dossier d'une page, illustré.


Vivre livre ou mourir, 9 récits de résistances est un merveilleux album. Cours d'histoire passionnant, replaçant la résistance dans un contexte réaliste, ce livre donnera envie d'en savoir plus sur les combattants de l'ombre. Cassant l'imagerie d'épinal de la résistance, les auteurs montrent les actes, pas toujours propres, qu'ont du faire/subir ces combattants pour notre liberté.

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3 octobre 2011

Quête d'identité, magie et complots sont le coeur de ce roman

Devenir Oeil de dragon est un rêve pour Eon. Comme onze autres candidats, il se prépare à un dur apprentissage qui lui apportera richesse et pouvoir. Mais dans cette Chine impériale, le rôle d'Oeil de dragon ne peut qu'être tenu par un homme. Eon est en fait Eona, jeune femme infirme. Dans ce monde masculin, elle devra avancer cachée. Si on découvrait son secret, ce serait la mort assurée.

Eon et le douzième dragon est un livre fascinant où l'auteur provoque régulièrement le jeune lecteur. Commencer un premier chapitre par la douleur ressentie lors des menstruations à de quoi surprendre. Dessiner un univers où toutes les identités sexuelles sont abordées n'est pas si étonnant. Le lectorat visé est celui des 13 ans et plus. A un âge où l'adolescent peut se poser des questions sur sa sexualité, l'auteur montre les différentes voies qui existent. A travers des personnages secondaires, Eon/Eona va s'apercevoir que la feminité a un certain pouvoir dans le milieu impérial même si, apparemment, "les femmes sont exclues du monde de la Magie du dragon".


Eon et le douzième dragon, ce n'est pas seulement cette feminité recherchée/refoulée par Eon/Eona, c'est aussi le cadre magnifié de la Chine impériale. Protocoles complexes, secrets d'alcoves, fausses identités sont monnaies courantes. Le raffinement apparent n'est qu'une illusion face à la politique. Les ennemis sont implacables, multiples. Pour Eon, jeune débutant, un faux pas n'est pas envisageable, mais rester caché affaiblirait sa place.
A lire ces quelques lignes, on peut se demander où se situe la magie. Si elle est bien présente, elle n'est montrée qu'au compte-goutte, mais chaque évocation du pouvoir est puissante et surprenante.

Alison Goodman ecrit un univers qui parlera pleinement aux adolescents. Qui sommes nous ? Où allons nous ? A qui je peux faire confiance ? Tels sont les principaux thèmes "cachés" de ce roman. Une très bonne lecture où connaissance et plaisir font un bon mariage.

35,00
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21 septembre 2011

Emotion, c'est le mot qui revient quand on parle de Portugal

Simon n'a plus d'envie. Que ce soit son travail d'auteur, La future maison avec son amie.. Il ne sait plus. Vient cette invitation d'un festival du Portugal. Lors d'une escapade, il ressent ce pays qu'il n'a pas revu depuis vingt ans. Pourquoi ici ? C'est un mariage familial qui va commencer à lui donner des réponses. Qu'est-ce-que la famille Muchat ?

La première chose qui vient à l'esprit quand on a Portugal en main, c'est le poids : plus de 260 pages en couleurs, une couverture qui invite à l'ouverture et aussi un prix : 35 euros. Mais ce n'est pas qu'une bande dessinée, c'est un livre-objet. Par sa densité, son concept et la narration particulière. La deuxième idée fut d'acquérir un deuxième livre. Un premier à lire, à chroniquer et le deuxième à garder religieusement pour la beauté de l'objet.


Cyril Pedrosa nous invite à la lecture d'un roman graphique. Portugal se divise en trois parties pour déterminer ce qu'était le passé de Simon Muchat, mais aussi son futur. A travers ce récit, l'auteur s'interroge sur les racines familiales et nous interroge à notre tour. Loin de s'enfermer dans un récit monosyllabique, Portugal propose quantité de personnages proches de Simon. Des personnages qui vont affecter les pensées et les actions du héros. Indissociable du récit, le trait de Cyril Pedrosa est reconnaissable. Elancé, souple, sauf que ce serait réducteur de s'arrêter à çà. Puisant dans ce qu'il a appris, l'auteur propose un vaste champ graphique et semble ne plus se donner de limites. Un pari risqué qui sert magnifiquement l'album et lui donne une deuxième lecture. On se saurait passer sous silence le travail de la couleur. Trois façons de traiter la couleur pour les différentes parties de Portugal. Trois appels d'émotions qui feront soupirer de plaisir le lecteur.

Emotion, c'est le mot qui revient quand on parle de Portugal. C'est un véritable coup de poing qui se répercute jusque dans les entrailles, mais sans violence. Emotion déjà vécue à la "pré-lecture" sur 8comix. Portugal est un tour de force narratif et graphique. Il est très difficile de traduire ce qu'on ressent de Portugal. Lisez-le et appréciez.

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21 septembre 2011

Un auteur mortel !

Rentrant à la Maison, Marie découvre des policiers armés dans son quartier. Et pour cause, un jeune homme s'est caché chez ses parents. Heureusement qu'ils ne sont pas là. Sous la contrainte, Marie suit son kidnappeur. Il est français, il se prénomme Nathan. Il prétend ne pas être dangereux. Vraiment?

Andreas Eschbach s'essaie au roman adolescent. Ce n'est pas la première fois. Il a déjà publié Projet Mars aux éditions de l'Atalante et Copie parfaite chez Pocket Jeunesse. Ici, il réussit à marier trois genres littéraires : policier, romance, et imaginaire. Nathan Duprée est le personnage poursuivi par les policiers et nous l'apprendrons plus tard, par un institut secret. Qu'est ce qui fait que Nathan soit si différent des autres adolescents? Un don rare. Marie, jeune allemande, va l'apprendre à ses dépends. Elle va suivre Nathan, d'abord sous la menace, puis pour être avec lui, l'aider à fuir.


Andreas Eschbach réussit toujours à rendre véridique ses romans. Que l'intrigue se passe dans le futur, dans un pays imaginaire, ou que les personnages possèdent des talents particuliers, l'écriture sera très documentée. L'auteur le dit lui-même "Il suffit de chercher un peu, les informations sont sous nos yeux". Un don presque mortel ne change pas cette règle : documenté sur la façon de survivre, sur les pouvoirs paranormaux, c'est un "documentaire" passionnant. On suit Nathan, qui vit avec son don, mais qui ne veut pas l'utiliser à n'importe quel prix. Trop de personnes l'ont utilisé, manipulé. Désormais il vivra sa vie, Au prix d'une calvacade? Marie, son otage qui devient son amie, découvre ce jeune homme. Il a eu une enfance dans une cage dorée (un institut). Résultat : il ne connaît pas grand chose à la vie. Elle va développer, à son contact, des sentiments opposés. Il peut être sympathique, mais il n'est pas normal, et c'est un fugitif. Nathan, lui, se comporte parfois comme un enfant gâté, soucieux de montrer son don unique. L'auteur a très bien compris la psychologie de ses jeunes personnages, les interactions entre les adolescents, liés par la contrainte.
L'ambiance est très bien rendue. Poursuivie par la police allemande et les agents de l'institut, les deux héros ne peuvent que s'enfuir, essayant, avec plus ou moins de succès de passer les mailles du filet. Marie est une adolescente tout à fait normale. Si, dans sa tête, elle imagine les plans les plus machiavéliques, celà ne restera que de l'imagination. Nos deux héros ne sont "que" des adolescents.

Un don presque mortel est un excellent roman pour la jeunesse. Psychologie des personnages poussée, ambiance tendue, et rythme haletant. Ne commencez pas à le lire. Vous ne vous arrêterez pas avant la fin. Le prochain roman d'Andreas Eschbach sera aussi un livre pour les adolescents : Black Out. L'auteur se spécialiserait-il dans la littérature jeunesse? Adulte ou adolescente, on continuera à lire sa prose passionnante