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    1 janvier 2013

    Attention! Chronique avec des gros mots et du sexe à l'intérieur...à réserver à un public averti!

    C'est donc l'histoire romantico-érotique entre une vierge naïve et un m'as-tu-vu sado-masochiste.
    Elle, c'est Anastasia Steele, une étudiante en lettres désargentée, admiratrice de Jane Austen, Thomas Hardy et des soeurs Brontë. Curieusement, sa grande connaissance des auteurs classiques n'a aucune incidence sur son vocabulaire, à moins que "Waouw" et "Putain de bordel de merde" ne soient des termes datant de l'époque victorienne...A part cela, Anastasia rougit pour un oui ou un non, est belle à tomber par terre mais se trouve moche (alors que tous les mâles qui l'approchent sont fous d'elle) et n'a jamais connu l'amour. Elle est donc toute chamboulée le jour où elle rencontre l'énigmatique et richissime Christian Grey puisqu'il éveille en elle à la fois des sentiments amoureux et une puissante envie de se déniaiser dans son lit. Pourtant, sa conscience lui conseille de se méfier et de rester sage. Mais de son côté, sa déesse intérieure(!), qui entre parenthèses est une sacrée chaudasse, la pousse à céder à toutes ses envies. Cruel dilemme!
    Lui, c'est donc Christian Grey, un homme d'affaires riche comme Crésus et beau comme un Apollon. C'est impossible? Vous voulez des preuves? Et bien, pour la richesse, il est à la tête d'une multinationale, possède et pilote son propre hélicoptère, collectionne les voitures de luxe, vit dans un somptueux appartement, etc. Pour la beauté, il a un profil parfait, de magnifiques cheveux cuivrés, des mains de pianiste, des yeux gris, ardoise, orage, brume, au choix, sa voix a le velouté du chocolat noir et tous les pantalons, du jeans au survêtement en passant par le costume Armani, lui tombe délicieusement sur les hanches.
    Pour un tel homme, chaque femme sur la planète verrait sa déesse intérieure faire des cabrioles en tenue d'Eve! Oui mais voilà, la perfection n'existe pas et le beau Christian cache un terrible secret : le sexe ne l'intéresse que dans le cadre d'une relation SM. Christian aime ligoter, attacher, fouetter, cravacher, fesser, ... Bref, Christian aime dominer et cela ne s'arrête pas au sexe! Sa soumise doit signer un contrat où elle accepte d'obéir à ses règles dans des domaines aussi variés que l'alimentation, la mode, le sport, etc. Il n'y peut rien, il est comme ça, c'est à cause d'une enfance difficile mais chut! c'est un secret...
    A ce stade-là, on voit bien que c'est un peu compliqué pour la jeune Anastasia. Sa déesse intérieure n'est en rien refroidie par les termes du contrat mais sa conscience rechigne à accepter ces goûts sexuels pour le moins audacieux. S'ensuit une valse hésitation longue comme une marche dans le désert : "Je ne veux pas avoir mal mais je l'aime déjà je ne veux pas le perdre si je dis oui pourrais-je encore me regarder dans une glace mais si je dis non je le perds mais si je dis oui je vais souffrir mais si je dis non je vais souffrir aussi mais je veux plus que du sexe". AU SECOURS! TAIS-TOI ANASTASIA! Et continue en silence! Parce qu'elle a beau se questionner sans relâche, remettre toujours à plus tard la signature de ce fameux contrat, il n'empêche qu'en attendant, elle a déjà eu droit à tout, du sexe dans toutes les pièces de la maison, une fessée dans les règles de l'art et un passage dans la "salle de jeux" de Monsieur SM! Alors à quoi bon tergiverser? Signe et éclate-toi! Parce que bon, outre toutes les qualités mentionnées plus haut, Christian Grey est un Dieu au lit! Certes, il ne fait pas l'amour, il baise mais il baise bien, beaucoup, longtemps, aidé en cela par un membre aux proportions avantageuses, à la fois doux et dur, et des érections prodigieuses. Quand j'aurai ajouté qu'il consacre une partie de sa colossale fortune à lutter contre la faim dans le monde, chaque femme un tant soi peu philanthrope voudra le rejoindre dans son building de Seattle quitte à faire la route sur les genoux comme un pèlerin particulièrement dévot de Compostelle, non? Trop tard! Anastasia Steele est sur le coup et tout leur entourage s'accorde pour dire qu'il est fou d'elle, d'ailleurs il la trouve belle, surprenante, exceptionnelle et se dit même prêt à certaines concessions pour la garder...

    Une jeune héroïne un peu naïve mais volontaire et un homme qui a tout pour lui mais cache de profondes blessures réunis pour une histoire passionnée et difficile où se mêlent sexe torride et sentiments à fleur de peau, voilà les ingrédients du best-seller planétaire qui a fait frémir les ménagères de moins de 50 ans dans tous les pays. Et pourtant, c'est mal écrit... On ne compte plus les répétitions, les scènes grotesques, le ridicule de certaines répliques. Oui mais voilà, c'est aussi terriblement et inexplicablement addictif! Ne vous fiez pas au ton légèrement ironique de mon commentaire, je m'y suis laissée prendre moi aussi et ce n'est pas la tarte au citron oubliée et carbonisée dans mon four qui vous dira le contraire! Du coup, ma conscience vous dira de fuir cette lecture ridicule et pas digne d'une lectrice qui se respecte mais ma déesse intérieure toute émoustillée vous encourage à vous faire votre propre opinion.


  • 19 octobre 2012

    Le porno pour maman de l'année

    Il paraît qu’il s’agit là du livre le plus vendu en 2012, ce qui souligne tout de même le désert affectif, érotique et intellectuel de certaines lectrices…

    Anastasia est une cruche jeune femme qui n’a jamais connu l’amour le vrai celui qui fait palpiter le cœur et rend tout électrique. Oui Anastasia a 22 ans, oui Anastasia est belle et a priori intelligente parce qu’elle parle de Thomas Hardy, mais Anastasia ne connaît pas encore le grand frisson… Non Anastasia n’est pas crédible un seul instant… Mais voilà qu’un beau jour Anastasia va rencontrer son prince, beau comme un apollon avec ses chemises blanches en lin, riche, connu, influent, tout à fait aussi insipide qu’elle à la hauteur. Mais comme Anastasia est une jeune vierge effarouchée qui rougit toutes les secondes et passe son temps à chercher un élastique dans son sac en se mordillant la lèvre inférieure, elle va douter de son charme – et pourtant les autres passent leur temps à lui répéter combien elle est belle intelligente et désirable…-


    Bref l’un et l’autre vont succomber au coup de foudre après de multiples conversations passionnantes :

    « Vous êtes à Portland pour affaires ?
    Je couine comme si j’avais le doigt coincé dans une porte. Merde ! Du calme Ana !
    - Je suis venu visiter le département agroalimentaire de la Washington State University, qui est situé à Vancouver. Je subventionne des recherches sur la rotation des cultures et la science des sols.
    Tu vois ? Il n’est pas du tout venu te voir, ricane ma conscience. Je rougis de la stupidité » (p. 35)

    Oui parce qu’Anastasia entend des voix, venues soit de sa conscience (qu’elle a fort faible), soit de sa « déesse intérieure », oui Anastasia est un brin schizo…

    Jusqu’ici donc, rien de révolutionnaire dans ce roman digne d’un mauvais Harlequin avec ses formules convenues : « Un courant électrique me parcourt. » (p. 51) « Je me disais que j’aimerais passe les doigts dans vos cheveux, ils doivent être tellement doux. » (p. 53) « Je voudrais détourner le regard mais je suis prise au piège, ensorcelée. » (p. 53)

    Quand le beau Grey finit par l’embrasser, la scène est tout aussi ridicule attendue :

    « Je n’ai jamais été embrassée comme ça. Ma langue caresse timidement la sienne et s’y joint pour une danse lente, érotique, un frotté-collé-serré de sensations. (…) Oh mon Dieu… Il a envie de moi. Christian Grey. Le dieu grec. Il a envie de moi, et j’ai envie de lui, ici, maintenant, dans cet ascenseur. » (p. 93)

    Mais me direz-vous : et les scènes sado-maso ? Et je vous reconnais bien là ô lecteur avide de découvertes inédites… Mais patience...

    Après le premier baiser, tout se complique car Grey avoue à sa belle qu’il est adepte des pratiques sado-masos et il lui demande donc de signer un contrat si elle accepte de se livrer à lui, d’être sa « soumise » ouh ouh…

    Anastasia –pourvue, rappelons-le, d’un cerveau de souris- met beaucoup de temps à accepter si bien que pendant d’interminables pages elle nous abreuve de « qu’est-ce qu’il est beau- je ne peux pas faire ça- mais qu’est-ce qu’il est beau- je ne veux pas avoir mal- il est beau- je ne suis pas comme ça »

    Vous vous en doutez Madame La cruche après mouts tergiversations accepte les termes du contrat, en négociant tout de même certains points -essentiels- comme les repas parce que quand même elle n'est pas soumise au point de se faire dicter ce qu’elle doit manger. Faut pas abuser. Et trois heures de sport au lieu de quatre par semaine quand même ! Mais comme elle explose en mille morceaux – comprenez elle jouit - à chaque fois avec son homme d’expérience, l’appel du sexe est plus fort que sa conscience et sa réflexion inexistantes… Et puis il faut dire que leur relation est tellement torride :

    « Tu veux du dessert ? pouffe-t-il.
    - Oui.
    - C’est toi que je veux comme dessert, murmure-t-il d’une voix suggestive.
    - Je ne suis pas sûre d’être assez sucrée.
    - Anastasia, tu es délicieuse, j’en sais quelque chose. » (p. 243)

    « Mais nous restons en ligne comme des adolescents : ni l’un ni l’autre ne veut raccrocher.
    - Raccroche, toi, lui dis-je.
    Je le sens enfin sourire.
    - Non, toi, raccroche.
    Je suis sûre qu’il sourit, maintenant.
    - Je n’ai pas envie.
    - Moi non plus. » (p. 330)

    Oui mais bon, c'est pas tout ça mais on nous a promis du sado-maso... Et là, cruelle déception, les scènes en question sont tout aussi édulcorées que le reste. Alors que la chambre des tortures semblait prometteuse regorger de possibilité, Grey se contente de lui attacher les poignets et de lui bander les yeux en la fouettant gentiment. Et la pauvre sainte nitouche Ana se met à pleure sitôt que le petit fouet tout riquiqui l'effleure.

    Pour résumer : un style plat, une héroïne féminine cruche au possible, un héros ridicule (il appelle Ana « Bébé », quelle sexytude…), une intrigue harlequinesque, des scènes érotiques tout aussi banales, et un soupçon de sado-masochisme trèèèèès fade. En un mot : nul.