Cadres noirs, roman

Pierre Lemaitre

Calmann-Lévy

  • Conseillé par
    20 août 2010

    Alain Delambre était un homme heureux : marié, propriétaire de son appartement, père de deux filles déjà adultes et titulaire d’un poste de cadre supérieur dans les ressources humaines. Tout allait bien pour lui mais, comme beaucoup d’autres quinquagénaires, il a fini pas se retrouver au chômage. A partir de ce moment-là, la dégringolade a commencé et ne s’est plus arrêtée…

    Aussi, lorsqu’il trouve une annonce concernant le recrutement d’un assistant RH, il est prêt à tout pour obtenir ce poste qui semble taillé pour lui. Et ici, la formule « prêt à tout » n’est pas à prendre à la légère… Chantage, extorsion, mensonges, coups de poing… S’agitant comme un forcené, Alain Delambre allonge la liste des griefs de ses proches à son égard, sans trop se poser de questions, persuadé qu’il aura ce job, que tout va enfin rentrer dans l’ordre et que sa vie va reprendre un cours normal… Ce que ce cadre à la dérive n’a pas encore compris, c’est que s’il a peu de scrupules, le cabinet qui recrute en a encore moins que lui et l’entreprise cliente, pas du tout… Dans le scénario mis en place par les « décideurs », il n’est qu’un pion parmi d’autres, qu’on sacrifiera le moment venu. Quand Delambre saisit enfin les véritables enjeux de ce recrutement, il décide de jouer les grains de sable…
    Après avoir découvert l’écriture de Pierre Lemaître dans Robe de marié, il me tardait de lire ce nouvel opus. Acheté il y a quelques mois, je l’ai pourtant conservé dans ma bibliothèque jusqu’à cet été… Je me le gardais, comme on met de côté un grand cru! Cadres Noirs tient toutes ses promesses : thriller haletant qui n’en finit pas de rebondir, critique acerbe d’un monde du travail devenu fou, portrait psychologique d’un homme que la société a dépouillé complètement et en toute légalité… Ce roman emporte le lecteur dans un voyage périlleux et captivant. Poussant l’absurdité jusqu’au bout, l’auteur montre aussi avec une grande justesse comment les principes mêmes du management peuvent être utilisés à toutes les fins, y compris les plus inattendues et se retourner contre ceux qui en ont fait un outil de domination…

    Le monde de l’entreprise, avec ses rituels, ses codes, ses hiérarchies est décortiqué, mis à nu afin que chacun puisse en constater l’inhumanité. C’est devenu notre « théâtre antique », le lieu de toutes les tragédies… Et si tout semble se réduire toujours à une question de gros sous, l’auteur a toutefois l’habileté, dans une ultime pirouette, de prouver la véracité de l’adage selon lequel, l’argent ne fait pas le bonheur…

    Cadres Noirs est un excellent polar, un grand cru, long en bouche et qui a tous les parfums de son époque. Il fera la joie des amateurs et des autres…


  • Conseillé par
    24 juin 2010

    Alain Delambre est un cadre de cinquante-sept ans anéanti par quatre années de chômage sans espoir. Ancien DRH, il accepte des petits jobs démoralisants. A son sentiment de faillite personnelle s'ajoute bientôt l'humiliation de se faire botter le cul pour cinq cents euros par mois...

    Aussi quand un employeur, divine surprise, accepte enfin d'étudier sa candidature, Alain Delambre est prêt à tout, à emprunter de l'argent, à se disqualifier aux yeux de sa femme, de ses filles et même à participer à l'ultime épreuve de recrutement : un jeu de rôle sous la forme d'une prise d'otages.

    Alain Delambre s'engage corps et âme dans cette lutte pour regagner sa dignité : il embauche un détective privé pour cerner les candidats, il prend les conseils d'un ancien du RAID pour le déroulement de la prise d'otage.

    Mais quand une stagiaire lui annonce que les dés sont pipés, sa fureur est sans limite.

    Mon avis :

    Pas de temps morts dans la préparation de la fausse prise d'otages, pas de temps morts lors de la prise en elle-même qui dégénère, et pour la suite, c'est extraordinaire de rebondissements.

    Un (petit) bémol : le pauvre Charles qui m'a fait penser à ces personnages de conte qui ne sont là que pour aider le héros, ce qui m'a paru un peu factice pour ce conte cruel des temps moderne, mais qui démontre que le mieux est l'ennemi du bien.

    Un second (petit) bémol : Alain réfléchit beaucoup, quand il parle avec les autres protagonistes, sur les tenants et les aboutissants du discours des autres. Comme si il y avait réfléchit à tête reposé et avait déjà analysé le discours. Un peu destabilisant, mais ça ne dure pas.

    Et puis l'arrière-plan social qui vient ponctuer l'action participe au suspens, j'adore.

    Merci Monsieur Pierre Lemaitre pour ce thriller alletant et tellement moderne.