Amoureuses, Roman

Frédéric Baptiste

Julliard

  • Conseillé par (Libraire)
    14 juillet 2020

    UN HYMNE A LA LIBERTE

    Est ce un hasard ou une volonté délibérée? Un bonheur ou une malédiction ? C’est là, entre le Havre et Dieppe, dans ce pays normand caché et taiseux, que Guy de Maupassant a décrit la nature humaine, ses mensonges sociaux, ses hypocrisies. C’est là près du Havre, dans la campagne que le comédien Frédéric Baptiste, a situé le décor de son premier roman, dans ce bocage planté de pommiers, de cafés, à proximité de la grande ville portuaire et de sa bourgeoisie d’affaires. Claire est épouse de René, riche industriel, séducteur invétéré, qui la trompe effrontément. Elle attend de lui un deuxième enfant. Elle vit en ville. Marthe, vit à quelques kilomètres de là, épouse d’un cafetier et un peu rebouteuse. Et un peu avorteuse. Elle ne peut avoir d’enfant. Elle vit à la campagne. Nous sommes en 1938 et la guerre frappe à la porte.

    Toutes deux vont bientôt se rencontrer, sous le motif de l’enfant à naître. Et découvrir une passion interdite. Les premières pages inquiètent et le lecteur peut craindre de se retrouver dans une pièce de vaudeville, où les maris cachent les servantes dans le placard et les femmes assurent les conversations lors de réceptions mondaines. Mais lorsque Claire se rend à la campagne, rencontre Marthe, le récit prend une ampleur nouvelle. Dans ces années, où les stigmates de la guerre 14-18 marquent encore les esprits, les hypocrisies sociales vont peu à peu s’estomper, les corsets se desserrer: les corps vont reprendre une liberté trop longtemps contrainte. L’écriture du romancier s’approprie cette découverte et la langue devient sensuelle, attachée à la douceur d’une peau mise en lumière par la beauté du printemps. Claire découvre à travers une porte entrouverte le corps luisant de l’eau d’un broc le corps de Marthe. Frédéric Baptiste dépose alors ses mots sur la feuille comme un peintre, comme Bonnard qui peint dans le sud de la France inlassablement sa femme au bain. Sa femme qui s’appelle …. Marthe. Etrange parallèle comme un hymne à la sensualité et à la beauté. Un hommage respectueux à la femme.

    Inspirée d’une histoire familiale réelle, entourée de personnages secondaires attachants,, la vie de la communauté villageoise prend forme sous nos yeux, derrière les volets d’une chambre où deux femmes s’aiment. Elles vont accomplir un trajet personnel immense, vaincre leurs appréhensions, leurs préjugés, et ceux des autres.

    « Les femmes ont forcément un moyen de sortir de leur condition de faire-valoir, de bonne à tout fair, de marchandise à dot, d’esclave. De putain. Ou de sainte. Ce qui revient au même. Comment? Elle n’en sait rien. Elle doit y réfléchir » pense Claire en arrivant chez Marthe.Y réfléchir. Et agir sans devenir suffragette, militante, simplement pour vivre la vie dont elle a envie. Avec un sens juste de la narration, le romancier maitrise le récit et donne envie au lecteur de savoir l’issue de cet amour inconcevable, dans cet univers où « une femme sans son mari, n’est rien ». Et le portrait en construction des deux femmes devient inoubliable.

    Le Havre, sa campagne toute proche. A quelques kilomètres de là, la ville de Lillebonne où va naître, dans deux ans, Annie Ernaux, fille de cafetier. Entre Maupassant, et l’écrivaine féministe, Frédéric Baptiste, décrit un monde de femmes en train de changer. Un monde profondément moderne. En quête de liberté.