Le goût sucré des souvenirs

Hanika

Les Escales

  • Conseillé par
    13 juin 2018

    A Vienne, Elisabetta Shapiro vit seule dans la maison familiale où elle a passé une enfance choyée, entourée de ses parents et de ses deux sœurs aînées, Rahel et Judith. Il n'était question alors que de jolies robes, de littérature, de garçons et de confitures d'abricot. Mais la guerre a balayé ce bonheur paisible et serein. Juifs, les Shapiro se croyait à l'abri, protégés par le statut de médecin du père. Pourtant, un jour funeste, la famille a été arrêtée et déportée. Seule Elisabetta a échappé à la rafle. Elle a survécu à tout, la guerre, la perte, le chagrin, l'amour, le deuil, pour devenir une vieille femme solitaire, qui cohabite avec le fantôme de ses sœurs et puise dans des pots de confiture, précieusement conservés, le souvenir de ces chers disparus. Pourtant, elle n'est pas seule dans cette maison. A l'étage, habite une pensionnaire, une ballerine, une allemande. Rael et Judith ont beau hurler de leurs voix silencieuses toute le colère qu'elles ressentent pour cette représentante d'une nation qui les a tant fait souffrir, Elisabetta ne peut s'empêcher de s'approcher, lentement, précautionneusement, de cette fille qu'elle connaît déjà et qui lui rappelle un autre chagrin, un autre deuil.

    Une belle histoire, riche en émotions mais pas forcément un coup de cœur à cause du style parfois confus de l'écriture. On passe d'une époque à l'autre, d'une Rahel à l'autre, sans repères et il faut parfois retourner en arrière pour comprendre. Et cette confusion gâche la fluidité de la lecture. Cependant on ne peut que s'attacher à Elisabetta Shapiro, une survivante qui convoque le souvenir de sa famille en humant les pots de confiture d'abricot que sa mère confectionnait chaque été, une tradition qu'elle perpétue, alignant les bocaux mordorés sur les étagères de la cave d'une maison devenue trop grande pour elle. Par sa relation avec une jeune fille allemande, on en apprend plus sur sa vie après la guerre, sur la vie qui continue, l'amour, la maternité et encore la haine, l'antisémitisme, les morts, le deuil. Mais c'est aussi le pardon qui est au cœur du roman. Faire taire la rancoeur, le besoin de vengeance pour trouver le chemin de l'acceptation, de la compréhension, de l'empathie...Le travail de toute une vie pour celle qui a perdu tous ceux qu'elle aimait pour la seule raison qu'ils étaient juifs.
    Un roman un peu fouillis mais riche en émotions et en sensations.